A.P.D.E.N. - 41 rue Barrault - 75013 Paris

(pas de permanence téléphonique) webmaster@apden.org

Discipline de référence et objets d’enseignement

Information documentation : une didactisation en cours

La discipline d'enseignement du.de la professeur.e documentaliste est l’information-documentation, officiellement instituée par la circulaire de missions n° 2017-051 du 28 mars 2017. Elle est issue de la didactisation, par les professionnel.le.s eux.elles-mêmes, des concepts des sciences de l'information et de la communication, débutée à la création du CAPES en 1989. La maîtrise de l’information initiale relevait d'une approche procédurale, ancrée dans la méthodologie. Son caractère fortement contextualisé, en particulier par l'appropriation d'outils vite dépassés, compte-tenu de l'évolution très rapide du paysage informationnel et médiatique, rendait les apprentissages difficilement transférables pour les élèves. Elle a progressivement évolué vers une dimension plus ambitieuse : la culture informationnelle, culture de l'information ou encore culture de l'information et des médias. Celle-ci prend en compte des compétences intégratives, qui articulent des savoirs, des savoir-faire et des attitudes. L'approche par les notions et les enjeux informationnels lui permet de dépasser les limites de l'approche procédurale.

La circulaire de missions n° 2017-051 du 28 mars 2017 stipule que les professeur.e.s documentalistes "forment tous les élèves à l'information documentation et contribuent à leur formation en matière d'éducation aux médias et à l'information". Si leur discipline d'enseignement semble alors clairement identifiée - l'information-documentation - la profession attend pourtant toujours la mise en place d'un groupe de travail national, destiné à en établir enfin officiellement, sur la base des travaux didactiques et pédagogiques menés depuis de nombreuses années par la profession et par les acteur.rice.s de la formation et de la recherche, les contenus et les modalités. Dans l'attente, il n'existe aucun cadre de mise en œuvre pour cet enseignement, que l'institution charge pourtant les professeur.e.s documentalistes de dispenser à tou.te.s les élèves.

Pour en savoir plus :

Programmes d'enseignement : ou est l'info doc ?

En dépit de son inscription dans la circulaire de missions de 2017, l'information-documentation n'existe pas, à ce jour, dans les programmes scolaires, malgré l'injonction, faite par l'institution aux professeur.e.s documentalistes, d'y "former tous les élèves". En revanche, depuis la rentrée 2015, il existe dans les programmes du collège une Éducation aux Médias et à l’Information (EMI), comprise dans le Socle commun de connaissances, de compétences et de culture, que l’École doit faire acquérir à chaque élève. Ses contenus empruntent largement à l’information-documentation, sans toutefois la recouvrir entièrement. Ils se définissent ainsi, sur la base des travaux du GRCDI et de l'A.P.D.E.N., consultés par le CSP dans le cadre de l'élaboration du référentiel EMI, selon les trois grandes thématiques suivantes : une "première connaissance critique de l'environnement informationnel et documentaire du 21e siècle", une "maîtrise progressive de sa démarche d'information et de documentation", et enfin, un "accès à un usage sûr, légal et éthique des possibilités de publication et de diffusion".

Cette EMI a été conçue comme une éducation à, c’est à dire un enseignement dit transversal, auquel toute discipline au programme est censée contribuer. Un écueil induit par ce choix a déjà été formulé à propos de l'Education aux Médias (EAM), qui a précédé l'EMI dans les programmes scolaires. Concrètement, il implique qu'aucun horaire dédié n'existe pour enseigner l'EMI, ce qui rend sa mise en œuvre difficile, aléatoire, et inégale en fonction des contextes locaux de chaque établissement. En l'absence d'un dispositif permettant une lisibilité du parcours de formation de chaque élève en la matière, et une évaluation pertinente des apprentissages de ces dernier.e.s, rien ne garantit que les contenus de l'EMI seront effectivement dispensés, et acquis, par tou.te.s les élèves de manière égale.

Les professeur.e.s documentalistes, souvent initiateur.rice.s dans ce domaine, doivent ainsi négocier des heures dans le cadre des disciplines et dispositifs à l'emploi du temps des élèves, pour enseigner l’EMI - qui ne représente de plus qu'une part des contenus de l'information-documentation, laquelle discipline ne bénéficie actuellement d'aucun cadre de mise en œuvre effectif. Cet état de fait rend presque impossible l’ambition de transmettre à tou.te.s les élèves une culture de l’information et des médias, pourtant soutenue par l'UNESCO.

Info doc, EMI...

Le second écueil du choix de la transversalité pour l'enseignement de l'EMI concerne l'absence d'identification d'un.e enseignant.e spécialiste, à qui la responsabilité de l'enseignement serait particulièrement confiée : tout.e enseignant.e peut, théoriquement, faire de l'EMI ; cependant, aucun.e n'est tenu.e d'en rendre compte.

Ce choix questionne aussi la reconnaissance des apports spécifiques de chaque discipline, qui sont un prérequis indispensable pour permettre la construction d'une véritable approche transversale. Dans ce contexte, si l'on reconnait la nécessité de cette expertise théorique, et l'existence de savoirs de référence associés, les professeur.e.s documentalistes peuvent légitimement être attendu.e.s dans ce domaine, au regard de l'état de la recherche en SIC  et du niveau de formation attendu au CAPES section documentation.

Pour autant, le premier projet de programme pour l'EMI, élaboré de manière ambitieuse sur la base des contenus de l'information-documentation, a ensuite subi une simplification très marquée, impliquant l'effacement d'une grande part des notions info-documentaires à enseigner, pour aboutir à la version finalement adoptée. Une démarche volontariste est d'autre part mise en place par l'institution pour assurer une formation à l'EMI des professeur.e.s de l'ensemble des disciplines d'enseignement. Dans ce contexte, nombre de professeur.e.s documentalistes s'estiment évincé.e.s de ce qui constitue pourtant l'enseignement le plus proche de leur discipline de référence.

Pour en savoir plus, écoutez cet épisode de Contre-plongée :

Episode 4 : “IRD, Info-doc, EMI ou SIC ? La question du nom…”