Le métier de professeur.e documentaliste est souvent associé à celui de documentaliste, de bibliothécaire, de “spécialiste” en méthodologie de la recherche documentaire. C’est en partie vrai ! Mais dans “professeur.e documentaliste”, il y a “professeur.e”… Pour mieux cerner les enjeux liés à ces confusions, reprenons les choses à la base. La mission du.de la professeur.e documentaliste est encadrée par la circulaire de missions n° 2017-051 du 28 mars 2017, qui en définit ainsi les différents axes complémentaires :
1- Le professeur documentaliste, enseignant et maître d’œuvre de l’acquisition par tous les élèves d’une culture de l’information et des médias.
La mission du professeur documentaliste est pédagogique et éducative. Par son expertise dans le champ des sciences de l’information et de la communication (SIC), il contribue aux enseignements et dispositifs permettant l’acquisition d’une culture et d’une maîtrise de l’information par tous les élèves. Son enseignement s’inscrit dans une progression des apprentissages de la classe de sixième à la classe de terminale, dans la voie générale, technologique et professionnelle. En diversifiant les ressources, les méthodes et les outils, il contribue au développement de l’esprit critique face aux sources de connaissance et d’information. Il prend en compte l’évolution des pratiques informationnelles des élèves et inscrit son action dans le cadre de l’éducation aux médias et à l’information.
Le professeur documentaliste peut intervenir seul auprès des élèves dans des formations, des activités pédagogiques et d’enseignement, mais également de médiation documentaire, ainsi que dans le cadre de co-enseignements, notamment pour que les apprentissages prennent en compte l’éducation aux médias et à l’information. Les évolutions du collège, du lycée général, technologique ou professionnel, en lien avec les enjeux de l’éducation aux médias et à l’information, de l’orientation et des parcours des élèves, nécessitent une pédagogie favorisant l’autonomie, l’initiative et le travail collaboratif des élèves, autant que la personnalisation des apprentissages, l’interdisciplinarité et l’usage des technologies de l’information et de la communication. Le professeur documentaliste participe aux travaux disciplinaires ou interdisciplinaires qui font appel en particulier à la recherche et à la maîtrise de l’information. Il accompagne la production d’un travail personnel d’un élève ou d’un groupe d’élèves et les aide dans leur accès à l’autonomie. Il est au cœur de la conception et de la mise en œuvre des activités organisées dans le cadre de la semaine de la presse et des médias à l’école.
Le professeur documentaliste contribue à l’acquisition par les élèves des connaissances et des compétences définies dans les contenus de formation (socle commun de connaissances, de compétences et de culture, programmes et référentiels), en lien avec les dispositifs pédagogiques et éducatifs mis en place dans l’établissement, dans et hors du CDI.
Le professeur documentaliste peut exercer des heures d’enseignement. « Les heures d’enseignement correspondent aux heures d’intervention pédagogique devant les élèves telles qu’elles résultent de la mise en œuvre des horaires d’enseignement définis pour chaque cycle » (circulaire n° 2015-057 du 29 avril 2015). En application du titre III de l’article 2 du décret n° 2014-940 du 20 août 2014 modifié, chaque heure d’enseignement est décomptée pour deux heures dans le maximum de service des professeurs documentalistes. Les heures d’enseignement sont effectuées dans le respect nécessaire du bon fonctionnement du CDI.
2- Le professeur documentaliste, maître d’œuvre de l’organisation des ressources documentaires de l’établissement et de leur mise à disposition
Sous l’autorité du chef d’établissement, le professeur documentaliste est responsable du CDI, du fonds documentaire, de son enrichissement, de son organisation et de son exploitation. Il veille à la diversité des ressources et des outils mis à la disposition des élèves et des enseignants, il organise de manière complémentaire les ressources pédagogiques issues de fonds physiques et numériques en s’appuyant sur la situation particulière de chaque établissement (collège, lycée général et technologique, lycée professionnel).
Avec les autres membres de la communauté pédagogique et éducative et dans le cadre du projet d’établissement, il élabore une politique documentaire validée par le conseil d’administration, et à sa mise en œuvre dans l’établissement. Cette politique documentaire, qui tient compte de l’environnement de l’établissement, permet aux élèves de disposer des meilleures conditions de formation et d’apprentissage. Elle a pour objectif principal la réflexion et la mise en œuvre de la formation des élèves à la culture informationnelle, l’accès de tous les élèves aux informations et aux ressources nécessaires à leur formation.
La politique documentaire comprend la définition des modalités de la formation des élèves, le recensement et l’analyse de leurs besoins et de ceux des enseignants en matière d’information et de documentation, la définition et la gestion des ressources physiques et numériques pour l’établissement ainsi que le choix des leurs modalités d’accès au CDI, dans l’établissement, à la maison et en mobilité. La politique documentaire s’inscrit dans le volet pédagogique du projet de l’établissement et ne se limite ni à une politique d’acquisition de ressources, ni à l’organisation d’un espace multimédia au sein du CDI.
Le professeur documentaliste met à la disposition des élèves et des professeurs, la documentation relative à l’orientation, à l’information scolaire et professionnelle. Il travaille en partenariat avec les psychologues de l’éducation nationale.
Le CDI est un espace de formation et d’information ouvert à tous les membres de la communauté éducative. Dans ce cadre, le professeur documentaliste pense l’articulation du CDI (et son utilisation) avec les différents lieux de vie et de travail des élèves (salles de cours, salles d’étude, internat) en lien avec les autres professeurs et les personnels de vie scolaire. Le professeur documentaliste joue le rôle de médiateur pour l’accès à ces ressources dans le cadre de l’accueil pédagogique des élèves au CDI et plus largement dans le cadre de la mise en œuvre des différents enseignements et parcours.
Dans le cadre de l’écosystème numérique de l’établissement, le professeur documentaliste joue un rôle de conseil pour le choix et l’organisation de l’ensemble des ressources accessibles en ligne pour les élèves et les enseignants de l’établissement. Il peut organiser et gérer le contenu d’un espace CDI au sein de l’environnement numérique de travail. Le professeur documentaliste participe à la définition du volet numérique du projet d’établissement. Il facilite l’intégration des ressources numériques dans les pratiques pédagogiques, notamment lors des travaux interdisciplinaires. Le professeur documentaliste assure une veille professionnelle, informationnelle, pédagogique et culturelle pour l’ensemble de la communauté éducative. La mutualisation des pratiques professionnelles entre professeurs documentalistes de différents établissements est largement recommandée pour atteindre cet objectif en particulier via les réunions et rencontres de bassin.
3- Le professeur documentaliste, acteur de l’ouverture de l’établissement sur son environnement éducatif, culturel et professionnel
L’expertise du professeur documentaliste fait du CDI un lieu privilégié d’ouverture de l’établissement sur son environnement ainsi qu’un espace de culture, de documentation et d’information, véritable lieu d’apprentissage et d’accès aux ressources pour tous.
Dans le cadre du projet d’établissement, et sous l’autorité du chef d’établissement, le professeur documentaliste prend des initiatives pour ouvrir l’établissement scolaire sur l’environnement éducatif, culturel et professionnel, local et régional voire national et international.
Le professeur documentaliste développe une politique de lecture en relation avec les autres professeurs, en s’appuyant notamment sur sa connaissance de la littérature générale et de jeunesse. Par les différentes actions qu’il met en œuvre ainsi que par une offre riche et diversifiée de ressources tant numériques que physiques, il contribue à réduire les inégalités entre les élèves quant à l’accès à la culture. Les animations et les activités pédagogiques autour du livre doivent être encouragées et intégrées dans le cadre du volet culturel du projet d’établissement.
Le professeur documentaliste contribue à l’éducation culturelle, sociale et citoyenne de l’élève. Il met en œuvre et participe à des projets qui stimulent l’intérêt pour la lecture, la découverte des cultures artistiques, scientifiques et techniques en tenant compte des besoins des élèves, des ressources locales et du projet d’établissement. Il peut participer à l’organisation, à la préparation et à l’exploitation pédagogique en relation avec les autres professeurs et les conseillers principaux d’éducation, de visites, de sorties culturelles et faciliter la venue de conférenciers ou d’intervenants extérieurs. Il participe notamment au parcours citoyen et au parcours d’éducation artistique et culturelle au sein de l’établissement.
À cette fin, il entretient des relations avec les librairies, les diverses bibliothèques et médiathèques situées à proximité, le réseau Canopé, les établissements d’enseignement supérieur, les associations culturelles, les services publics, les collectivités territoriales, les médias locaux, le monde professionnel afin que l’établissement puisse bénéficier d’appuis, d’informations et de ressources documentaires.
Les professeurs documentalistes peuvent assurer avec leur accord, en sus de leurs missions statutaires, des missions particulières (référent numérique, référent culture, etc.) définies par le décret n° 2015-475 du 27 avril 2015 et la circulaire n° 2015-058 du 29 avril 2015. Ils perçoivent à ce titre une indemnité pour mission particulière conformément aux dispositions précitées.
Quelques confusions répandues à propos des professeur.e.s documentalistes
Les missions ainsi définies semblent claires. Pourtant, les termes de la circulaire comprennent nombre de formulations imprécises, polysémiques, insuffisamment délimitées, et par conséquent de nature à permettre une marge interprétative importante. Cette marge, qui place les professeur.e.s documentalistes dans une position professionnelle très inconfortable, laisse le champ libre à une persistance de conceptions obsolètes du métier, ou à des conceptions nouvelles qui s’appuient sur une interprétation discutable du texte de référence.
Documentaliste ou professeur.e documentaliste ?
Malgré la création du CAPES section documentation en 1989, il est encore très fréquent, dans le milieu scolaire et en dehors, que celles et ceux qui exercent le métier soient appelé.e.s "documentalistes". Or, même si les professeur.e.s documentalistes et les documentalistes partagent certaines compétences professionnelles communes, leurs métiers ont cependant évolué dans des directions bien spécifiques, qui les rendent distincts l'un de l'autre. Seul l'un des trois axes de la mission des professeur.e.s documentalistes permet d'ailleurs de les rapprocher des documentalistes !
Pour autant, cet axe-là comporte des enjeux pour certain.e.s acteur.rice.s de l'édition scolaire : s'il devait devenir prépondérant sur les deux autres, il ferait de l'acquisition et de la promotion de ressources documentaires la mission première des professeur.e.s documentaliste dans l'établissement scolaire. C'est actuellement la mission d'enseignement qui définit le cœur du métier et en articule les axes.
Un personnel de Vie Scolaire ?
Le.la professeur.e documentaliste est aussi souvent assimilé.e aux personnels de Vie scolaire, en appui, corollairement, sur l'assimilation du CDI à un espace de permanence. Dans un contexte de pénurie de personnels dédiés à la gestion des élèves hors temps de cours, cette conception, erronée, induit des pratiques préjudiciables à l'équilibre des missions confiées aux professeur.e.s documentaliste.s, l'accueil des élèves au CDI prenant le pas, en particulier, sur leur mission première d'enseignement et sur leur mission de gestion du fonds documentaire. L'origine de cette double assimilation abusive trouve son origine dans plusieurs éléments :
- Les professeur.e.s documentalistes dépendent de l’ IGEN EVS, par ailleurs en charge des chefs d'établissement et des CPE [voir "Statut et conditions d'exercice"], ce qui favorise l'amalgame. Il.elle.s appartiennent pourtant sans équivoque à la catégorie des enseignant.e.s, de statut comme de missions.
- Les professeur.e.s documentalistes sont responsables du CDI, où les élèves peuvent être accueilli.e.s en dehors de leurs heures de cours. La circulaire de missions précise à ce titre que "le professeur documentaliste pense l'articulation du CDI (et son utilisation) avec les différents lieux de vie et de travail des élèves (salles de cours, salles d'étude, internat) en lien avec les autres professeurs et les personnels de vie scolaire.". Or, le même texte délimite et hiérarchise précisément les différents usages dévolus au CDI : c'est un "lieu de formation, de lecture, de culture et d'accès à l'information", bien distinct d'une permanence.
D’enseignant.e à conseiller.e des chef.fe.s d’établissement ?
Une autre conception du métier envisage la mission du côté de l'ingénierie pédagogique. Elle reconnait le caractère "essentiellement pédagogique" de la mission du.de la professeur.e documentaliste, et valorise son "expertise", mais le sens du terme "pédagogie" est ici très éloigné de la mission d'enseignement. L'ingénierie pédagogique consiste en effet à étudier, concevoir, réaliser et adapter des dispositifs d'enseignement. Elle n'inclut pas l'acte d'enseigner, concrètement, devant des élèves.
La dimension de pilotage, de conseil, d'expertise qu'elle contient peut intéresser l'IGEN EVS, parce qu'elle permettrait de rapprocher la culture professionnelle du.de la professeur.e documentaliste de celle des CPE et des chef.fe.s d'établissement, dont les inspecteur.rice.s EVS ont également la charge ; ces trois professions pourraient alors évoluer selon une logique intégrative commune. L'ingénierie pédagogique est également l'une des "sept expertises" revendiquées par le réseau Canopé, en particulier à travers le CLEMI.
Un.e expert.e des questions numériques en EPLE ?
Avec le déploiement, à la rentrée 2016, du Plan numérique pour l’Éducation, les établissements ont un besoin accru de personnels formés pour assurer la maintenance et la gestion des materiels informatiques. Ils sont aussi souvent dotés d'un ENT, de logiciels professionnels et d'outils numériques, nécessitant médiation et organisation des accès. Or, il n'existe pas de personnel dédié aux nombreuses et très diverses missions induites. Le.la professeur.e documentaliste peut alors apparaître à certains comme le.la plus à même de les assurer : il.elle exerce au CDI, fréquemment informatisé ; ses obligations de service le rendent largement présent ; il.elle possède certaines connaissances dans le domaine, et sa mission comprend l'organisation et de la gestion des ressources pédagogiques du CDI, "issues de fonds physiques et numériques".
Mais de nombreux amalgames existent quant à ce que recouvre le "numérique". Or, c'est avant tout de son enseignement que relèvent les compétences du.de la professeur.e documentaliste en la matière, constituant une partie de ses contenus de formation, au prisme de sa discipline de référence (les SIC). Il.elle est également compétent.e sur une partie du champ des ressources numériques de l'établissement : sa circulaire de missions précise qu'il.elle "joue un rôle de conseil pour le choix et l'organisation de l'ensemble des ressources accessibles en ligne pour les élèves et les enseignants", "peut organiser et gérer le contenu d'un espace CDI au sein de l'ENT", "participe à la définition du volet numérique du projet d'établissement" et "facilite l'intégration des ressources numériques dans les pratiques pédagogiques, notamment lors des travaux interdisciplinaires." Les autres tâches induites par l'informatique et le numérique en établissement relèvent, quant à elles, de missions spécifiques indemnisées, que le.la professeur.e documentaliste peut choisir d'assurer en supplément : RRUPN, ...